Quinze maires de communes du littoral de la Manche se sont récemment rassemblés pour interpeller Michel Barnier. Ils dénoncent une situation de plus en plus difficile, avec des migrants toujours plus nombreux, entraînant des affrontements avec les forces de l’ordre et des tensions avec les populations.
C’est un appel à l’aide qu’ont lancé les maires du littoral de la Manche et de l’agglomération dunkerquoise. En première ligne face au passage des migrants de la France vers le Royaume-Uni, ces communes doivent composer avec un problème qui s’aggrave et place les maires dans une situation délicate. Gestion des migrants, présence des forces de l’ordre, baisse du tourisme et plaintes des habitants : les maires sont à bout.
« Il faut que les autorités prennent en considération les problèmes que nous rencontrons », lance Bertrand Ringot, maire de Gravelines, exhortant Michel Barnier, négociateur du Brexit, à trouver un accord avec les Britanniques : « Le Royaume-Uni a un véritable problème avec le travail au noir, il n’y a pas de carte d’identité, ce qui incite de nombreux migrants à vouloir s’y rendre. La Manche devient un goulot d’étranglement. »
Des maires sous pression
En cause notamment, les accords du Touquet que Bertrand Ringot et Sony Clinquart, maire de Grand-Fort-Philippe, souhaitent voir modifiés : « On est trop gentils avec les Anglais ! Il faut que les choses changent au plus haut niveau. Nous, nous sommes sur le terrain, et on est fatigués... » Bien que le Royaume-Uni prenne en charge financièrement certains équipements de sécurité (caméras) ainsi que d’autres frais liés au transit migratoire (nettoyage), les maires craignent pour la sécurité et la stabilité de leurs communes, qui subissent quotidiennement les conséquences.
La présence des migrants dans les petites villes du littoral entraîne des désagréments pour la commune : « Nous devons souvent nettoyer les espaces verts, ramasser leurs déchets, éteindre les feux de camp. C’est un poids supplémentaire pour les élus », témoigne Bertrand Ringot, maire de Gravelines, une commune de 12 000 habitants. Les habitants en subissent également les conséquences : « Il arrive qu'ils entrent chez les gens, la nuit. Une fois, un groupe est entré dans le jardin d'une dame âgée à 2 h du matin pour gonfler leur bateau. Certains ont peur et viennent nous voir à la mairie », raconte le premier magistrat de Gravelines. « La cohabitation se passe globalement bien, les gens sont tolérants, mais il y a parfois des tensions », ajoute-t-il.
« On joue avec le feu, ça risque de dégénérer »
Les forces de l'ordre, les migrants, les élus et les citoyens doivent composer avec cette situation au quotidien. Une situation loin d'être idéale. « Les forces de l'ordre, qui font un travail formidable, sont quotidiennement confrontées aux migrants. Il y a des affrontements assez fréquents, ce qui nuit au tourisme, effraie parfois les habitants et exaspère les demandeurs d'asile… Certains finissent par s'en prendre aux voitures de particuliers ou aux biens publics à coups de pied », raconte Sony Clinquart. « Je suis en contact tous les jours avec le préfet et les responsables de la police. En moyenne, j'ai entre 20 et 30 policiers en permanence dans ma commune pour gérer la situation migratoire », précise le maire de Gravelines.
Maire depuis 10 ans et ancien élu de Gravelines, Sony Clinquart s'inquiète de voir la situation se détériorer et redoute le pire pour l'avenir, d'autant plus qu'il subit la pression des associations humanitaires : « Heureusement qu'elles (les associations, NDLR) sont là pour apporter un peu d'humanité, mais elles nous reprochent de ne pas en faire assez pour les migrants. Elles voudraient que j'ouvre une salle pour les accueillir, mais je ne peux pas », regrette-t-il, avant d'ajouter : « Avec cette situation, on joue avec le feu. Il y a un risque que les confrontations ne se limitent plus aux forces de l'ordre, mais impliquent aussi les habitants. Il faut agir vite ! »
Les élus des 15 villes concernées se réuniront de nouveau dans les prochaines semaines pour formuler une série de propositions à présenter au Premier ministre. D'ici là, le no man's land humanitaire, politique, juridique et administratif persiste.