Monsieur le Premier ministre,
En tant que représentante institutionnelle des collectivités sur les questions numériques, la Mission Ecoter alerte aujourd’hui le Gouvernement sur le blocage permanent de la CNIL dans le développement des expérimentations numériques locales. Cette situation présente un double risque : ne pas avoir les outils pour répondre aux défis de notre société et reléguer sérieusement notre pays dans la compétition internationale.
Nous ne pourrons construire les solutions de demain si l’échelon national ne fait pas évoluer le cadre législatif et réglementaire actuel. Au quotidien, dans l’exercice de nos mandats d’élus locaux, nous devons répondre aux attentes des administrés dans tous les aspects de la vie courante. Education, santé, social, infrastructures, logement, transports, propreté sont autant de domaines dans lesquels les citoyens s’adressent en premier lieu aux Maires et pour lesquels ils attendent des réponses concrètes et précises.
Depuis longtemps maintenant, les besoins exprimés en matière de sécurité sont portés directement, souvent même uniquement, à notre attention. Cette situation a conduit, nombre d’entre nous, à mettre en place des moyens humains, techniques et technologiques pour y répondre.
Le développement de ces systèmes numériques constitue un engagement financier important qui n’est pas sans incidence sur le fonctionnement d’une collectivité territoriale. Cette volonté de s’investir est aussi marquée par l’obligation d’innover et de chercher des solutions pouvant permettre de faire reculer la délinquance, de porter assistance aux biens et aux personnes et de prévenir les atteintes à nos territoires et à nos populations.
Applications permettant au citoyen d’alerter rapidement et efficacement les autorités face à une situation particulière, utilisation de l’intelligence artificielle pour la classification d’objets, la reconnaissance de silhouette ou la reconnaissance faciale sont aujourd’hui des réalités dont il faut bien reconnaître que les pouvoirs publics sont malheureusement les seuls à s’interdire leur utilisation et même leur expérimentation en application des directives bien souvent formulées par la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL).
Force est de constater que la CNIL, 40 ans après sa création, se place systématiquement dans une trajectoire qui ne tient aucunement compte du contexte géopolitique actuel, de la volonté manifeste et majoritaire de nos concitoyens d’obtenir une sécurité renforcée mais surtout de l’évolution technologique irrémédiable et par ailleurs souhaitable dans bien des domaines.
A cause de choix, souvent dogmatiques, nous nous trouvons dans une situation que nous connaissons parfaitement : celle qui consiste à avoir en permanence une ou plusieurs longueurs de retard sur le traitement des dossiers criminels et de délinquance. Souvent d’ailleurs, ces positions sont spécifiques à notre pays alors même que l’on tente de nous faire admettre qu’elles sont identiques dans l’espace européen.
Dans certains pays, comme l’Italie, les forces de sécurité ont un accès direct aux données d’autres administrations comme les impôts, organismes sociaux et même opérateurs de téléphonie ! En France, le croisement des fichiers est interdit et nos officiers de police judiciaire doivent produire force réquisitions pour obtenir des informations que leurs homologues transalpins détiennent en quelques secondes.
En Allemagne, en Espagne, au Royaume-Uni, les dispositifs de reconnaissance faciale sont testés dans les gares, les aéroports et même les établissements bancaires ! En France, malgré nos déclarations préalables, nous nous heurtons systématiquement à la censure de la Commission.
Ainsi, à l’issue d’investissements importants humainement et financièrement et alors même que la Commission avait été informée, nous ne pourrons pas déployer la reconnaissance faciale en contrôle d’accès dans nos établissements scolaires, certaines villes ne pourront pas assujettir des capteurs acoustiques et des hauts-parleurs à leurs systèmes de vidéo-protection, nous ne pourrons pas utiliser la reconnaissance faciale pour détecter un individu recherché par la justice, pour suivre sans faillir un terroriste ou un criminel. Nous ne pourrons pas porter assistance à une personne vulnérable, à un enfant perdu.
Nous ne pouvons pas nous résoudre à ne pas tenir compte de l’évolution de nos technologies. On ne peut pas continuer à ne pas associer l’élu et le citoyen à des décisions prises unilatéralement par un collège de 18 personnes.
Nous ne pouvons accepter, qu’en totale contradiction avec nos principes de séparation des pouvoirs, cette Commission puisse : interpréter les lois et règlements européens à l’aulne d’une vision hexagonale, autoriser ou interdire des expérimentations, autoriser ou interdire des déploiements de nouveaux outils, mais également instruire des demandes, formuler des directives, procéder à des enquêtes, des perquisitions, des auditions, juger de l’opportunité d’un dispositif et prononcer des sanctions administratives, financières et autres.
Nous ne pouvons pas accepter que la CNIL soit devenue aujourd’hui un organe autonome qui ne répond plus qu’à elle-même, à sa vision du monde, déconnectée des besoins des citoyens et des forces de sécurité et surtout sans aucun contre-pouvoir. Ce principe nécessaire de contrôle doit aussi s’appliquer à elle-même car il est impensable qu’elle puisse cumuler autant de pouvoirs dont même la justice ne peut se prévaloir.
Nous demandons au Gouvernement de réfléchir au périmètre d’intervention de la CNIL, d’analyser son fonctionnement, de déterminer si la concentration d’autant de pouvoirs, sans autorité de la République en contrôle, est souhaitable, si dans le monde les autres démocraties se heurtent également à cette censure permanente ou pas, si, enfin, ces obstacles idéologiques sont de nature à mettre en danger notre pays et nos concitoyens.
Nous souhaitons simplement que nos forces de l’ordre puissent arrêter une personne recherchée par la justice, mettre fin à des activités délictueuses, empêcher un terroriste de passer à l’acte, retrouver un enfant perdu, porter assistance à une personne vulnérable.
Nous souhaitons faciliter et fluidifier les contrôles d’accès dans les bâtiments et les lieux sensibles également. La possession d’une carte d’accès individuelle n’est pas un critère de sécurité absolue, elle peut être perdue et utilisée par une tierce personne, falsifiée ou tout simplement reproduite. La comparaison faciale offre une garantie supérieure dans ce domaine sans aucun doute, le nier serait une hérésie.
Nos collectivités sont prêtes à accompagner l’Etat pour construire la France numérique de demain, une France innovante et audacieuse qui répond aux attentes concrètes des citoyens.